Violences conjugales, l’ordonnance de protection

La loi N°2010-769 du 9 juillet 2010 relative « aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants » est entrée en vigueur le 1er octobre 2010.

Un décret du 29 septembre 2010 publié au Journal officiel du jeudi 30 septembre 2010 expose la procédure aux fins d’obtention d’une « ordonnance de protection ».

L’article 515-9 du Code Civil dispose que : « lorsque les violences exercées au sein du couple par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien concubin met en danger la personne qui est en victime, un ou plusieurs enfants, le Juge aux Affaires Familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection. »

Le Juge aux Affaires Familiales est désormais un instrument efficace au cœur du dispositif de protection des femmes et des enfants contre les violences conjugales.

L’ordonnance de protection : un outil efficace pour lutter contre les violences conjugales

A – Un dispositif autonome

1) L’indépendance par rapport à la procédure pénale

L’ordonnance de protection peut être délivrée par un Juge avant ou après un dépôt de plainte et peu importe que l’agresseur ait été condamné ou non.

La notion de violence est appréciée au regard de l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique qui en résulte.

Les violences doivent avoir pour conséquence de mettre en danger l’autre membre du couple et / ou les enfants.

Le danger peut résulter du caractère réitéré mais aussi de la gravité des violences commises.

Au delà du fait qu’aucune procédure pénale n’ait été entamée et qu’il en résulte que l’agresseur est présumé innocent des faits de violences qui lui sont reprochés, le Juge aux Affaires Familiales s’efforcera de constater soit un défaut de contestation de sa part, soit que les éléments énoncés par la victime apparaissent établis au regard des éléments du dossier.

Il est donc primordial de verser aux débats les éléments permettant de conduire le Juge à rendre une telle ordonnance, savoir certificats médicaux, témoignages d’amis, de la famille, attestations d’associations, de services sociaux, copie des dépôts de plaintes…

La loi du 9 juillet 2010 a également crée le délit de harcèlement par un conjoint, un partenaire, un concubin ou un ancien conjoint, lorsque le harcèlement, par des agissements réitérés a pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale.

2) L’indépendance par rapport aux procédures de divorce ou de séparation de corps

La demande d’ordonnance de protection peut être présentée de manière autonome ou dans le cadre d’une procédure de divorce ou de séparation de corps.

L’avantage représenté par ce dispositif est donc la possibilité de rendre une ordonnance de protection indépendamment de toute autre procédure judiciaire.

A RENNES, cette procédure a un intérêt primordial eu égard aux délais de convocation dans les suites du dépôt d’une requête en divorce ou d’une requête visant à instaurer des dispositions concernant des enfants naturels.

Au vue du dossier, le Juge aux Affaires Familiales apprécie l’urgence.

Il fixe alors une convocation à échéance la plus proche à laquelle le partenaire ou ancien partenaire, auteur des violences est convoqué.

B – Un dispositif d’application large

a) Personnes pouvant en bénéficier

Tous les couples concernés, qu’ils soient mariés, pacsés ou qu’ils vivent en concubinage que le couple cohabite ou ait cohabité sont concernés par cette ordonnance de protection.

Il importe peu le moment où surviennent ces violences (pendant la vie commune, postérieurement à une séparation ou à un divorce).

L’ordonnance de protection pourra également être délivrée par le Juge aux Affaires Familiales à la personne majeure menacée de mariage forcé.

Au delà de la victime directe de violences du couple, les enfants considérés en danger du fait des violences exercées sur cette victime sont également visés par les nouvelles dispositions de l’ordonnance de protection.

b) Mesures pouvant être ordonnées

Le Juge aux Affaires Familiales peut prendre 7 types de mesures listées à l’article 515 – 11 du Code Civil.

Elles peuvent néanmoins être regroupées selon les catégories ci-dessous listées :

Dispositions visant à protéger l’intégrité physique stricto sensu

L’ordonnance de protection dote le Juge aux Affaires Familiales de pouvoirs traditionnellement dévolus au Juge pénal.

Il pourra ainsi ordonner :

L’interdiction de rentrer en contact avec la victime et le cas échéant les enfants mineurs
L’interdiction de détenir des armes et injonction le cas échéant de remise au greffe de l’arme détenue

Au delà, le Juge aux Affaires Familiales est compétent pour « attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. »

Le Juge aux Affaires Familiales pourra en outre autoriser la victime de violences à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou le représente, ou auprès du Procureur de la République près du Tribunal de Grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie.

Si pour les besoins de l’exécution d’une décision, l’huissier doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, il sera également soumis à ce secret et ne devra en tout état de cause pas la communiquer à son mandant.

Enfin, il importe de noter que pour les femmes étrangères bénéficiant de l’ordonnance de protection, un titre de séjour est délivré ou renouvelé automatiquement.

Une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sans condition de vie commune pourra être également délivrée.

Dispositions financières

Le Juge aux Affaires Familiales peut prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la partie demanderesse.

Comme indiqué ci-dessus, il statuera également sur les modalités de prise en charge des frais afférents au logement « familial » (prise en charge des prêts, des taxes…).

Le Juge aux Affaires Familiales traite également des questions financières quelque soit la forme de conjugalité : contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et contribution à l’entretien et l’éducation des enfants.

Dispositions par rapport aux enfants

Outre l’aspect financier, le Juge aux Affaires Familiales pourra prendre les dispositions nécessaires s’agissant des enfants.

Il pourra ainsi se prononcer sur les modalités d’autorité de l’exercice parental et sur la domiciliation des enfants.

En cas de danger avéré, il pourra suspendre tout droit d’accueil du père.

C – Un dispositif encadré

1) Le rôle du Procureur de la République

Le Procureur de la République est partie à la procédure.

Il importe de noter que le Procureur de la République peut saisir lui-même le Juge aux Affaires Familiales d’une demande d’ordonnance de protection, sous réserve d’obtenir préalablement l’accord de la victime.

2) La durée des mesures

Le Juge aux Affaires Familiales délivre une ordonnance de protection dont les mesures y figurant sont valables pour une durée de 4 mois.

Si une requête en divorce ou une séparation de corps est déposée avant l’expiration de ce délai de 4 mois, les dispositions demeurent valables jusqu’à ce qu’une décision statuant sur la demande en divorce ou en séparation de corps soit passée en force de chose jugée, à moins que le Juge saisi de cette demande en décide autrement.

Les mesures relatives à la résidence séparée, aux modalités d’exercice de l’autorité parentale et des dispositions financières prononcées antérieurement à l’ordonnance de non conciliation cessent de produire leur effet à compter de la notification de celle-ci.

3) La sanction pénale en cas de non respect des dispositions de l’ordonnance de protection

Le non respect des mesures imposées par l’ordonnance de protection est constitutif d’un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 15.000,00 € d’amende (Article 227-4-2 du Code Pénal)

Voici un exemple d’une affaire traitée par notre cabinet

En l’espèce, Madame X, victime de violences commises alors qu’elle était en état de grossesse relativement avancé, a bénéficié de ces nouvelles dispositions.

Parallèlement à son dépôt de plainte, Madame X a saisi le Juge aux Affaires Familiales et a obtenu dans ce cadre une ordonnance de protection le 24 mars 2011 comprenant les dispositions suivantes :

  • Interdiction à Monsieur Y de recevoir ou de rencontrer Madame X
  • Interdiction à Monsieur Y de détenir une arme
  • Autorisation pour Madame X de dissimuler son domicile et à élire domicile chez son conseil
  • Attribution à Madame X de l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’égard de ses enfants
  • Fixation de la résidence habituelle des enfants au domicile de Madame X
  • Suspension de tout droit d’accueil et d’hébergement du père à l’égard des enfants mineurs
  • Condamnation de Monsieur Y à verser à Madame X la somme de 400,00 € mensuellement à titre de contribution aux charges du mariage
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