Droit du travail Barème Macron

Le débat languissant relatif à la validité du Barème Macron (dommages et intérêts pour licenciement abusif) est-il achevé ?

Par deux arrêts très attendus, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée, le 11 mai 2022, sur la conformité à la convention de L’OIT du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle tranche en faveur de sa conformité et ferme ainsi et pour l’heure la porte à toute remise en cause du plafonnement des indemnités, fondée sur une appréciation in concreto.

Le Barème MACRON est donc en l’état de la Jurisprudence Française conforme et doit être appliqué par les juridictions La chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois, le 11 mai 2022, sur la validité du barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse dit « Barème Macron

Pour mémoire, siégeant en formation plénière, la chambre sociale était saisie de divers pourvois :

  • 3 pourvois contre les décisions de la cour d’appel de Nancy du 15 février 2021 (RG 19/01306) qui a appliqué le barème
  • 1 pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mars 2021 (RG 19/08721) ayant écarté l’application du barème au motif que la somme prévue par ce dernier « représentait à peine la moitié du préjudice » subi par la salariée, dont l’ancienneté était inférieure à quatre ans, et ne permettait donc pas, compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi.

Pour rappel, l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) prévoit qu’en cas de « licenciement injustifié », le juge doit pouvoir ordonner le versement d’une indemnité « adéquate » au salarié.

Selon le Conseil d’administration de l’OIT, le terme « adéquate » signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part, être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part, doit raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

A cet égard la Cour de Cassation relève que le barème n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail.

Par ailleurs, elle relève que lorsqu’un licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le Code du travail impose au juge d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes d’assurance-chômage jusqu’à 6 mois d’indemnités.

Il en résulte d’une part, que les dispositions qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Il en résulte, d’autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, du remboursement des indemnités de chômage versées au salarié injustement licencié.

Au regard de la marge d’appréciation laissée aux États et de l’ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de « licenciement injustifié », la Cour de cassation juge le barème compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.

Même si la conclusion est la même, l’argumentation développée par la chambre sociale est, compte tenu du rapport de l’OIT, plus développée que celle de l’avis de l’assemblée plénière du 17 juillet 2019.

L’article 24 de la Charte sociale européenne prévoit que les États signataires s’engagent à reconnaître aux salariés qui ont été licenciés sans motif valable le droit à une indemnité adéquate.

Pour mémoire, pour pouvoir être invoquée directement par les particuliers devant le juge national, une convention internationale ratifiée et publiée au Journal Officiel ne doit pas nécessiter que la France prenne des mesures pour la rendre applicable.

Or, la Charte sociale européenne réclame des États qu’ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu’elle leur fixe, sous le contrôle du seul Comité européen des droits sociaux (CEDS), dont les décisions n’ont pas de caractère contraignant en droit français.

Dès lors, la Cour de cassation, énonçant explicitement les critères définissant l’effet direct, juge que les employeurs et les salariés ne peuvent se prévaloir de l’article 24 de la Charte sociale européenne devant le juge en charge de trancher leur litige.

Cette motivation est identique à celle retenue par l’avis de l’assemblée plénière du 17 juillet 2019.

Le contrôle de conventionnalité in concreto permet au juge national d’écarter une norme de droit interne si son application porte une atteinte disproportionnée à un droit fondamental garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Selon le communiqué de la Cour de cassation, en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse, un contrôle de conventionnalité in concreto reviendrait pour le juge français à choisir d’écarter le barème au cas par cas, au motif que son application ne permettrait pas de tenir compte des situations personnelles de chaque justiciable et d’attribuer au salarié l’indemnisation « adéquate » à laquelle fait référence l’article 10 de la Convention de l’OIT.

Or, ce contrôle créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges et porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

La Cour de cassation juge donc que la détermination du montant réparant le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto.

Elle met ainsi fin à une jurisprudence des cours d’appel.

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