Mails personnels sur le lieu de travail, Mode de preuve

La Cour de cassation vient de donner raison à une salariée qui avait l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
L’employeur lui reprochait d’avoir envoyé plusieurs centaines de mails  à vocation personnelle sur son temps de travail.

Le 8 octobre 2014 la cour de cassation a rendu un arrêt qui pourrait laisser penser qu’il est devenu impossible de licencier un salarié pour ce motif, mais une analyse précise de la décision démontre qu’il n’y a finalement, contrairement à ce qui a été parfois relaté dans la presse, pas de grand changement sur ce point.

Les faits sont les suivants :

À la fin de l’année 2009, une salariée en qualité d’analyste financière, employée par une société de crédit, a été licenciée pour « cause réelle et sérieuse ».

L’entreprise lui reprochait une utilisation pour le moins « excessive » de sa boite mail à des fins personnelles.

Pour décompte, les faits laissent apparaitre qu’en octobre 2009, elle avait, adressé plus de 600 mails à des fins personnelles et idem en novembre.

La salariée ne pouvait pourtant ignorer que son employeur avait placé un système informatique de contrôle. Ceci avait fait l’objet d’une information auprès de cette employée tout comme l’ensemble des salariés de la société.  De même les salariés avaient été informés que l’entreprise comptait prendre des sanctions face à d’éventuels abus de communications personnelles durant les heures de travail.

L’on peut imaginer que ceci  aurait pu à tout le moins alerter les salariés sur les risques qu’ils encourraient et de ce fait les conduire à adopter un comportement raisonnable à ce sujet.  Mais constatant cette persistance , l’employeur a considéré qu’il était légitime de sanctionner ces excès contraires à l’intérêt de l’entreprise.

Saisie du conseil des prud’hommes

La salariée a néanmoins souhaité saisir les juridictions compétentes, savoir le Conseil des prud’hommes localement compétent

Ni les prud’hommes, ni la cour d’appel n’ont estimé devoir faire droit aux demandes de la salariée.  Néanmoins un argument devait faire mouche devant la Cour de cassation.  L’employeur avait omis comme le lui imposent les textes applicables en la matière d’informer la CNIL de la mise en place de ce système de contrôle automatisé.  Par voie de conséquence, toutes les preuves recueillies contre la salariée ne peuvent être utilisées pour motiver son licenciement.

La Cour de cassation casse donc l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens, qui avait débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts.  Les parties devront donc à présent s’expliquer devant la cour d’appel de Douai qui devra statuer sur ce litige.  Il est pourtant fort à penser qu’une déclaration auprès de la CNIL aurait permis de rendre opposable à la salariée le contrôle mis en place sur son ordinateur.

Voici donc pour l’heure une décision qui, contrairement à ce qui a pu être écrit , ne donne nullement droit au salarié de faire partir de son ordinateur plusieurs centaines de mails par mois à des fins non professionnelles, mais impose à l’employeur un minimum de respect des dispositions relatives à la mise en place d’outils de contrôles informatiques, vidéo ou de géolocalisation.

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